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jeudi 15 janvier 2015

Commentaire de Terre des hommes, II,2, Les camarades (Guillaumet) de Saint-Exupéry



Commentaire –Terre des hommes (1939)
Les camarades partie II, chapitre 2
"Ce que j’ai fait, je le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait" jusqu’à : "C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde".
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       Antoine de Saint-Exupéry, auteur du Petit Prince, grand pilote ayant travaillé aux côtés de Guillaumet et de Mermoz, a publié en 1939 Terre des hommes où il recueille des souvenirs de sa vie d’aviateur à l’Aéropostale. Le texte étudié se trouve au chapitre 2, partie II,  Les Camarades. Il concerne l’un de ses acolytes, Guillaumet, qui, en juin 1930, a marché cinq jours et quatre nuits, à 3500 mètres d’altitude près de la Laguna Diamante, perdu dans la Cordillère des Andes, en plein hiver austral. Son Potez 25 a capoté tandis qu’il tentait de le poser, pris dans une tempête de neige alors qu’il transportait le courrier de Santiago du Chili à Mandoza en Argentine. ll fut récupéré par Saint-Exupéry qui avait sillonné la zone en avion pour le retrouver. On examinera en quoi ce témoignage sur l’aventure de Guillaumet est une leçon de vie. Après avoir analysé l’éloge du pilote et de l’homme, on déterminera en quoi ce destin est une leçon d’humanisme.




     L’auteur cherche dans son éloge à son camarade à faire ressentir au lecteur l’amitié qui le lie à Guillaumet. Tout d’abord on peut voir que le texte opère une interaction entre les deux pilotes ; Guillaumet raconte son aventure au style direct et Saint-Exupéry commente. Guillaumet emploie un discours explicatif se servant d’images comme « voilà que mon cœur tombe en panne » avec le tutoiement qui marque la proximité amicale. Le discours direct est aussi présent dans le récit du narrateur. En effet, l’auteur, en s’adressant rétrospectivement à son camarade : « je te veillais », « tu t’endormais » emploie lui aussi le tutoiement, signe de la forte relation qu’il entretient avec Guillaumet. On peut donc dire qu’il y a là un jeu d’énonciation, une sorte de conversation familière décalée dans le temps. Guillaumet est décrit comme « démantelé, fripé, brûlé » mais veillé par son ami  qui prend soin de lui avec beaucoup d’affection.

      L’auteur vante les qualités physiques et morales de Guillaumet. Le corps du pilote perdu est comparé «  à un bon outil » ou encore à « un serviteur ». Guillaumet raconte qu’il a survécu sans avoir mangé et en marchant sans cesse dans un froid glacial. Les expressions « Privé de nourriture » et « troisième jour de marche » l’assimilent à un héros et son aventure devient épique. Saint-Exupéry fait aussi l’éloge des qualités morales de son ami. Il force sur le registre épidictique quand il accumule ses qualités de caractère. En effet il parle de « droiture, sagesse, responsabilité, modestie ». De plus, les paroles de Guillaumet montrent aussi sa force de détermination lorsqu’il s’adresse à son cœur : « Allons un effort ! Tâche de battre encore ». Enfin, Saint-Exupéry utilise le mot « cœur » à double sens : pour dire le courage physique de Guillaumet mais aussi ses qualités de cœur, ses valeurs.
            A travers ce texte, Antoine de Saint-Exupéry rend hommage à Guillaumet de manière à valoriser sa relation amicale et à mettre en avant les aptitudes tant physiques que morales de son ami. On retrouvera aussi un message universel apportant une réflexion sur l’homme.

 Le Potez 25 de Guillaumet
    
                        Guillaumet joue ici le rôle de modèle de l’idéal humain: « Sa véritable qualité n’est point là. Sa grandeur c’est de se sentir responsable. Responsable de lui, du courrier et des camarades qui espèrent […] Responsable un peu du destin des hommes dans la mesure de son travail ». L’auteur, à travers Guillaumet, met en avant une qualité très importante, la responsabilité, c’est-à-dire la capacité à se rendre compte que les actes individuels affectent les autres, que chaque destin influe sur celui des autres. Saint-Exupéry insiste surtout sur les valeurs de son ami : « Le courage de Guillaumet, avant tout, est un effet de sa droiture ». Là encore le pilote représente un homme fort et rassurant, un être exceptionnel : « Il fait partie des êtres larges qui acceptent de couvrir de larges horizons de leur feuillage. Être homme c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C’est être fier d’une victoire que les camarades ont remportée. C’est sentir en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde ». Il définit l’homme, comme il devrait être dans un monde parfait : solidaire des autres et ayant le sens du devoir, et il l’associe à Guillaumet. L’image de l’arbre représente la stabilité, la force, la capacité à protéger les autres. La métaphore de la pierre posée montre que chaque homme doit assumer à son échelle l’élaboration, solide comme une maison en pierre, du destin collectif de l’humanité, même modestement en remplissant sa mission, sa tâche quotidienne. C’est l’amour de travail bien fait qui rend le monde meilleur, plus beau.

            L’écrivain veut amener l’idée de dépassement de soi. Il utilise des phrases emphatiques avec répétition des présentatifs  « c’est » pour insister sur la définition de l’homme idéal en employant le présent de vérité générale. Il avance aussi l’idée de vaincre ses peurs pour être plus fort car « seul l’inconnu épouvante les hommes. Mais pour quiconque l’affronte, il n’est déjà plus l’inconnu ». On voit donc que le narrateur pousse le lecteur à affronter les épreuves qui lui paraissent difficiles. Enfin les précisions suivantes « privé de nourriture […] troisième jours de marche […]  le long d’une pente verticale […]  suspendu au dessus du vide », […]  voilà que mon cœur tombe en panne […] je ne bouge plus […] j’écoute en moi […] fier de ce cœur » montrent  que dans les pires situations, il ne faut pas lâcher, il faut continuer, aller jusqu’au bout sans jamais renoncer. C’est ainsi que l’homme fait mieux que l’animal : « Ce que j’ai fait, je le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait. »


    En utilisant les registres épidictique, épique et didactique, Antoine de Saint-Exupéry rend hommage à Guillaumet, son ami, tout en cherchant à enseigner au lecteur des valeurs relevant de l’idéal humain : responsabilité, solidarité, amitié et courage. Il raconte et commente le témoignage de son compagnon de manière élogieuse en faisant ressortir l’esprit que les hommes devraient tous adopter pour que les habitants de la terre puissent vivre en harmonie et être forts. Au moyen d’images, de jeux d’énonciation et de formules de réflexion qui s’apparentent à des maximes, Saint-Exupéry nous fait partager une leçon de vie et d’optimisme dans les capacités de l’homme. C’est une caractéristique de l’auteur car avec Le Petit prince, il passera du conte de fée au récit philosophique, avec un personnage attachant, pour faire comprendre au lecteur que « l’essentiel est invisible pour les yeux ».

Emma 1ère S6 (novembre 2014)

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